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Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada : Contestation constitutionnelle des dispositions de déclaration obligatoire prévues dans la Loi de l’impôt sur le revenu

Des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) étendant la portée des obligations de divulgation actuelles, créant une nouvelle catégorie d’opérations à signaler et supprimant une disposition qui exonérait les parties de l’obligation de divulgation lorsqu’une autre partie à la transaction avait déjà rempli cette obligation, ont reçu la sanction royale à la fin du mois de juin 2023. Soutenues par de lourdes peines pécuniaires, les dispositions exigent que les conseillers(ères) juridiques ainsi que les promoteurs(-trices) signalent certaines opérations de planification fiscale à l’Agence du revenu du Canada (ARC). Même si les renseignements que l’on peut raisonnablement croire être protégés par le privilège des communications entre client(e) et juriste sont exemptés de divulgation, les juristes doivent divulguer d’autres renseignements confidentiels.  

La Fédération a fait part de ses préoccupations concernant les modifications aux représentant(e)s du gouvernement et lors des audiences du Parlement avant l’adoption des dispositions. Dans ses observations au Comité permanent des finances de la Chambre des communes et au Comité sénatorial permanent des finances nationales, et lors de réunions avec des représentant(e)s et des ministres des Finances et de la Justice, la Fédération a fait valoir que les dispositions portent atteinte au privilège du secret professionnel des juristes et à l’indépendance de la profession juridique et minent les obligations légales et éthiques des juristes envers leurs client(e)s, incluant le « devoir de se dévouer à la cause du client ». 

Le 11 septembre 2023, la Fédération a déposé à la Cour suprême de la Colombie-Britannique une requête contestant la validité constitutionnelle des dispositions modifiées relatives à la divulgation obligatoire. Selon la Fédération, ces modifications enfreignent la Charte canadienne des droits et libertés et les principes de justice fondamentale qui existent dans l’intérêt de la population canadienne. Ces dispositions, qui obligent les contribuables, leurs conseillers(-ères) et les promoteurs(-trices), y compris les conseillers(-ères) juridiques, à signaler certaines opérations de planification fiscale à l’ACR, contraignent les conseillers(ères) juridiques à divulguer au gouvernement des renseignements confidentiels et potentiellement protégés par le privilège sur leurs client(e)s et à porter atteinte à l’obligation de loyauté des membres de la profession juridique envers leurs client(e)s.  

Dans ce qui semble n’avoir d’autre justification qu’une tentative d’éviter l’argument de la Fédération en vertu de l’article  7 de la Charte, le gouvernement a modifié la LIR pour exclure les nouvelles dispositions relatives à la divulgation obligatoire de la disposition générale sur les infractions de la LIR. Cette modification entrée en vigueur le 20 juin 2024 est réputée avoir pris effet en juin 2023, lorsque les modifications alors apportées à la LIR avaient élargi les obligations relatives à la divulgation obligatoire. En réponse, la Fédération a déposé une requête modifiée le 22 avril 2025, laquelle peut être consultée ici

Les avocat(e)s et autres membres de la profession juridique ont le devoir de se dévouer à la cause de leurs client(e)s et sont également tenus par les règles de déontologie professionnelle de préserver la confidentialité des renseignements reçus de leurs client(e)s. Ces principes sont essentiels au bon fonctionnement du système de justice canadien. Ils permettent aux personnes de recevoir des conseils juridiques éclairés par une divulgation complète et franche à leur conseiller juridique et non pas influencés par l’intérêt personnel de ce dernier. Les nouvelles dispositions, qui prévoient des sanctions financières importantes en cas de non-respect des obligations de déclaration, obligent les conseillers(ères) juridiques à choisir entre leurs propres intérêts et ceux de leurs client(e)s, ce qui porte atteinte à ces importantes obligations éthiques et place les conseillers(-ères) dans une situation de conflit d’intérêts irréconciliable. Dans sa requête à la Cour de la Colombie-Britannique, la Fédération soutient que les modifications apportées récemment à la LIR contreviennent aux articles 7 et 8 de la Charte et portent atteinte à l’obligation de se dévouer à la cause du client. L’affaire soulève plusieurs problèmes similaires à ceux qui étaient en jeu lorsque la Fédération s’était opposée avec succès à l’application des dispositions de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité (blanchiment d’argent) et le financement des activités terroristes et de sa réglementation touchant les juristes. Cette affaire a donné lieu en 2015 à une décision de la Cour suprême du Canada, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, 2015 CSC, reconnaissant comme principe de justice fondamentale le « devoir de se dévouer à la cause du client ». La Cour a déclaré que la loi violait à la fois les articles 7 et 8 de la Charte dans son fonctionnement à l’égard des juristes et qu’elle était, à ce titre, inconstitutionnelle. 

Le 14 septembre 2023, la Fédération a déposé une demande d’injonction demandant la suspension des dispositions contestées s’appliquant aux conseillers(ères) juridiques jusqu’à l’issue de l’affaire de fond. La demande a été acceptée le 24 novembre 2023 et les motifs de la Cour peuvent être consultés ici.  

La date de l’audience sur le fond de la pétition de la Fédération n’a pas été fixée.